Pas besoin de t'excuser, Manu, manquerait plus que ça.
Non, bien au contraire, ton post est criant d'arguments raisonnables et j'y souscrit totalement. Sauf...
Sauf qu'il n'y a rien de raisonnable dans le poker à petit niveau de buy-in. Et la plupart de tes remarques en appellent d'autres pour bien fixer les idées.
ManuD a écrit :Pour moi, la seule conclusion à tirer de ça, c'est que tes échantillons ne valent rien.
Dont acte, tu as mille fois raison statistiquement parlant. Mais c'est oublier qu'un joueur qui vient de quitter le play money pour se risquer dans ses premières parties d'argent réel à 1 $, puis qui veut progressivement se monter une BR en augmentant peu à peu les mises n'en a non plus rien à faire des échantillons. Ou alors, il faudrait qu'il joue 1000 parties à chaque niveau, et je ne te dis pas comment il va s'emmerder.
Tout le monde s'accorde pour dire que quand on commence à suffisamment gagner à un niveau — et donc qu'il y a atteint un certain ROI —, il est sans doute temps de passer au suivant. Alors faudrait savoir : soit quelques dizaines ou centaines de parties sont suffisantes pour avaliser cette montée en puissance (quand bien même l'échantillon n'est pas pertinent), soit on s'intéresse aux statistiques pures et on passe des années à les peaufiner.
Ce qui serait d'ailleurs d'autant plus aberrant que s'en tenir à la pertinence mathématique pure ne prend pas en compte que ledit joueur progresse dans son style, que son ROI des derniers mois est en général plus élevé que le ROI moyenné depuis le début, etc.
Bref, ton argument :
ManuD a écrit :le ROI est le seul moyen fiable de mesure dont tu disposes.
... ne vaut somme toute pas grand chose, parce qu'on n'atteint jamais un ROI statistiquement fiable (je te retourne en fait l'argument).
En revanche, et c'est ce que je tentais de montrer en prenant les différents exemples chiffrés, ces ROI peuvent — et ne peuvent que — nous apporter des informations sur les
tendances. En l'occurrence, certains était dramatiquement négatifs (à petits buy-in) et d'autres constamment positifs (à plus gros buy-in). Et c'est ce point de départ qui a motivé 1/ une petite analyse à 2 balles et 2/ une réaction appropriée.
Que suggère l'analyse à deux balles ? Réponse :
si on a atteint un niveau de jeu qui permet d'être à l'aise aux niveau de buy-in moyens, ça ne marche tout simplement pas si on tente de l'appliquer à des buy-in plus faibles.Pour l'exemple, les ROI a faible buy-in (5 $ et 10 $) que j'ai publiés sont ceux de Pokerstars quand j'ai commencé à y jouer au printemps dernier. Lors du premier montage de BR sur Winamax, j'ai joué à ces niveaux 709 et 851 parties. C'était la période « apprentissage » nécessaire pour atteindre les niveaux 20 $, puis 50 $ où j'ai fini par « me sentir bien ».
Cette période d'apprentissage révolue, jouer des 5 $ et 10 $ sur PS m'était devenu impossible...
en conservant le même jeu. Faute de m'adapter, j'étais condamné à perdre et reperdre encore, alors même que ça passait à 20 $. Dès lors :
Quelle est la réaction appropriée ? Réponse :
adapter son jeu aux buy-in plus faible, sachant qu'en l'occurrence, « adapter » signifier « dévoyer ».Transition aisée vers la suite de tes remarques :
ManuD a écrit :Farlen a écrit :3/ Dévoyer son jeu !
• Oublier tout Harrington et consort !
• Limpez mes frères, surtout en position !
Ces conseils sont évidemment affreux et la conséquence d'une unique cause : tu joues underrollé.
T'as peur de jouer un 70/30 ?
Hi hi hi... Arghhhhh, la peur m'étreint.
Non, sans rire, bien sûr qu'un 70/30 est le lot commun des joueurs de poker. Et ton argument suivant :
ManuD a écrit :Mais la réalité, c'est qu'en Hold'em, tu trouveras quasiment jamais mieux qu'un 70/30. Evidemment, si t'as 5 buy-in d'avance, perdre un 70/30, ça fait mal au c...
Si t'en as 100 d'avance, tu t'en tapes d'en perdre 1, 2, 3 ou même 5 d'affilée. Comme t'as de la profondeur de BK, les probabilités sont ton alliée.
... est une fois de plus très raisonnable... sauf qu'il est hors contexte !
Car une fois de plus, de quoi parlons-nous ? Pas de développer un bon poker, ou du moins un poker correct, basées sur les analyses de jeu, le respect des cotes, les relances pertinentes, etc. Ce style de jeu n'est valable que face à des joueurs qui comprennent ce style de jeu. Pour ne pas (trop) rallonger la sauce, j'en appellerai pour l'illustrer à ce fameux adage : « il ne faut jamais tenter de bluffer un débutant ». Hein ? Quoi ? Se priver de tout bluff ? Mais le bluff n'est-il pas une des armes indispensables du poker quand on l'utilise à bon escient ? Ben oui, mais c'est comme ça : ne pas bluffer, c'est aussi dévoyer son jeu.
Hors contexte, disais-je, parce que le but que nous visons dans toute cette histoire c'est de monter une bankroll, pas (encore) de jouer correctement. Ce ne viendra que plus tard, confronté à de meilleurs joueurs à des niveaux de buy-in plus élevés. En fait, on corrige progressivement ses erreurs quand des joueurs plus avisés nous mette le nez dedans.
Autrement dit, considérer qu'on joue de mieux en mieux à un (faible) niveau de buy-in donné est à mon sens une mauvaise interprétation : on s'adapte simplement au style de jeu nécessaire pour gagner de plus en plus souvent... ce qui n'est pas la même chose !Ceci étant précisé, revenons à tes remarques.
Ton argument sur les 70/30 perdus quand on a 5 buy-in d'avance versus 100 est donc une fois de plus raisonnable, mais pas efficace : il ne s'agit pas de limiter la casse sur une centaine de partie,
mais au coeur même de la partie en cours ! Par exemple, avec 1500 jetons au départ, on peut encaisser un bad beat, plus rarement deux, en tout cas pas au-delà. Factuellement, le constat est dès lors très simple : si trois autres joueurs entrent systématiquement dans un coup (à faible buy-in) quand un seul entrerait « normalement » (dans une partie de niveau raisonnable), tes risques de chuter à un moment ou un autre sont démultipliés. Dans les premiers temps d'une telle partie, la seule solution de survie est dès lors de perdre le moins de jetons possible, de ne t'engager fermement que dans les cas ou tu es sûr de remporter le coup.
Ton exemple suivant est dès lors parfait pour illuster mon propos :
ManuD a écrit :Y'a des couillons qui paient ton AK avec QJ- ? Mais faut être heureux de croiser des joueurs comme ça. Si tu peux encaisser la variance, tu vas finir par leur prendre leur argent. C'est mathématique.
C'est mathématique... quand ça arrive une fois de temps en temps au cours d'une partie. Pas quand c'est le lot de toutes tes relances standards. Allez, chaussons nos gros sabots pour se souvenir de ces deux chiffres :
• Ton espérance préflop de remporter le coup avec AK est statistiquement de 72,1 % contre un seule joueur.
• La même espérance contre trois joueurs tombe à 41,5 % !
En gros, tu pars donc perdant à chaque fois que tu joues cette main réputées forte quand tu sais qu'il y aura toujours (au moins) trois joueurs pour suivre ta relance, fut-elle de 4 BB.
Si le poker a développé ses propres codes de relance, de limp statistiquement payant, etc., c'est pour offrir au joueur les meilleurs chances de remporter un coup. Problème : tous ces codes ont été établis en considérant que les autres joueurs les connaissaient aussi. Quand Harrington suggère par exemple d'ouvrir 3 ou 4 BB tant de % du temps avec 9-9 UTG+1, c'est parce que bon nombre des autres joueurs — supposés corrects – vont nécessairement ne pas entrer dans le coup face à ce montant. Mais tout ça tombe complètement à l'eau quand cette vision du jeu n'est en réalité pas partagée par ces autres joueurs !
Ce que je préconisais donc, c'est de minimiser la perte de jetons durant le début de partie, le temps qu'un nombre suffisant d'adversaires s'éliminent entre eux. Autre avantage : les blinds en profitent pour augmenter, et il est bien connu que même les joueurs les plus looses y regardent ensuite à deux fois pour suivre un coup quand il s'agit de payer 450 ou 600 jetons.
Bref, il ne s'agit même pas de jouer serrer en début de partie (sélection des mains), mais de sous-jouer (quasi-)systématiquement pré-flop. Une autre façon de le dire est que — faute de codes partagés — l'art du jeu pre-flop est quasi inexistant à faible buy-in, que tout se décale quand on confronte sa main au flop.
ManuD a écrit :Farlen a écrit :• À partir de la bulle : jouer au poker... tactique !
Vi, vi : c'est seulement à ce stade que vous pouvez déployer des trésors de jeu, un poker de bon aloi.
• Dans les payés, enfin jouer au Poker !
Ben le souci, c'est qu'à la bulle, tout le monde a en général un tapis compris entre 3 et 10 BB. Ca laisse en général peu d'espace pour le "beau" poker et les moves tarabiscotés.
He, he... je t'y prends ! Ca doit faire un bout de temps que tu n'as pas pratiqué des parties à 5 $, voire 10 $ : le carnage est tel en début de partie qu'il n'est pas rare que 3 ou 4 joueurs ont été sortis quand les blinds sont 25/50 (niveau III). De sorte qu'au moment de la bulle, il n'est pas rare que tu aies entre 15 ou 20 BB, ce qui te permet d'adopter un poker quand même plus subtile, d'autant plus qu'il y a forcément moins de joueurs dans chaque coup.
Bref, si je synthétise tout ça, le « jeu dévoyé » me semble indispensable durant — en gros — le premier tiers de la partie : son but est de risquer le minimum de jeton, même avec les mains les plus fortes. Puis de revenir progressivement à un jeu plus correct avant la bulle, pour enfin l'exploiter à fond dans les payés. C'est ce « mauvais poker dégresif » que j'évoquais.
ManuD a écrit :Après, je te rejoins quand tu dis qu'il faut s'adapter aux adversaires etc...
Mais pas au point de transformer ton jeu totalement.
Un raise 4BB te vaut 4 ou 5 call? Raise 6 ou 7. Mais limper...
Je ne vais pas reprendre toute l'argumentation pour ne dire que ceci : raise 6 ou 7 ne marche globalement pas. En gros, un tiers du temps tu isoleras effectivement un seul joueur. Un autre tiers, tu seras face à deux, et ce sera quand même chaud à partir du flop,
eut égard à l'investissement réalisé. Dernier tiers : un petit malin croira toujours jouer les pros en lançant all-in pour te squeezer. C'est un bonheur quand tu as une main très forte, genre QQ+, mais c'est quasiment impayable pour les autres (même s'il faut relativiser selon les stacks respectifs). Une fois de plus, tu en reviens à jouer quasiment ta partie sur une main, ce qui est contre-productif quand cette situation se reproduit trop souvent.
Le plus drôle, quand même, c'est que ce « tiers-systématisme » devient une arme supplémentaire pour prendre du jeton quand tu as les rois ou les as : une forte relance genre 6-7 BB peut mettre facilement qqun à tapis, alors que tout le monde fuirait dans un contexte raisonnable. Sur-jouer est dès lors plus rentable que jouer le coup normalement.
ManuD a écrit :Et ce que je peux te dire, c'est qu'avec au mieux 10 buy-in d'avance, tu vas finir broke. Tot ou tard, mais les statistiques sont impitoyables.
Là encore je te rejoins sur un point : au niveau de jeu où on est à l'aise, il faut une BR de l'ordre de 50 buy-in pour encaisser la variance. Par exemple 1000 $ quand on joue les parties à 20$.
Mais je ne suis pas d'accord quand il s'agit de
remonter une BR, par exemple quand on a cash-outer auparavant. S'il n'est pas question de jouer au même niveau de buy-in (faire des parties à 20$ quand on n'a plus que 100 $ en BR est aberrant), je pense qu'il faut parier sur le fait que 10 BI seront suffisants pour redécoller. Je parle bien de "pari" parce que c'est effectivement risqué ; mais ce risque est en parti couvert par l'expérience que tu as acquise par le passé : on n'est pas dans le contexte d'un premier montage de BR, plutôt d'un retour à la normale. Ca implique de faire le yo-yo au début entre les 5 $ et 10 $, par exemple, mais disons que c'est une version accélérée d'un montage de BR. Continuer de jouer des parties à 5 $ quand j'en ai 120 devant moi créerait une frustration contre-productive.
En définitive, quiconque peut juger que mon intervention est complètement à côté de la plaque, mais il n'en demeure pas moins que tout ce qu'on peut lire à gauche ou à droite est le plus généralement destiné à nous permettre de progresser face à des joueurs (au moins) corrects. Problème : tous les débutant qui veulent progresser au poker sont confrontés à un véritable gouffre entre ce qu'on leur préconise dans les bouquins et ce qu'ils vivent en réalité sur Internet à faible niveau de buy-in, celui où ils commence. C'est le règne du « Poker-Champagne », du « je l'ai vu faire par Gus Hansen », et consort. Nulle part on ne trouve des conseils pour se défier de ces autres débutants qui, eux, ne progresseront jamais en conservant ce style de jeu.
Encore une fois, je crois sincèrement que tout ce débat tourne autour de ce constat que j'évoquais plus haut :
Considérer qu'on joue de mieux en mieux à un (faible) niveau de buy-in donné est une mauvaise interprétation : on s'adapte simplement au style de jeu nécessaire pour gagner de plus en plus souvent... ce qui n'est pas la même chose !
@+ Farlen