Paul-Henri est un solide gaillard. Il fait partie de ces jeunes hommes qui font toujours plus vieux que leur âge mais plus jeune que le votre. Ses petites lunettes et sa casquette lui confèrent un air gentil, amical. Pourtant il est seul, il se sent seul.
Paul-Henri a un problème. Il souffre d’un trouble obsessionnel compulsif, que l’on appelle communément T.O.C. Pour le comprendre, il faut remonter à sa petite enfance. Issu d’une famille aisée où l’ordre moral régnait, Paul-Henri avait pour habitude de dire des mots vulgaires. Trop au goût de ses parents. Ne trouvant de solution immédiate à ce problème, ces derniers l’emmenèrent consulter un psychologue. Celui-ci lui préconisa de remplacer chaque gros mot, chaque expression vulgaire, par une expression de son choix, une expression qu’il aurait créé. C’est ainsi qu’est née l’expression « Truc de Grenouille », que nous abrégerons en Tdg. Paul-Henri était tellement fier de sa trouvaille, que l’expression Tdg venait ponctuer toutes ses phrases…Mais pire…Il ne pouvait plus la refouler. C’était devenu un TOC. Cela peut paraître risible, anodin. Mais pensez aux moments difficiles qu’il a connu ! Je ne vous détaille pas l’épisode de l’enterrement, quand au beau milieu de la prière, dans un profond silence, on entendit « truc de grenouille ça », quand pendant les devoirs surveillés de mathématiques du tyrannique professeur Monsieur Céletique, il se retrouvait expulsé en retenue etc…
Seul, il ne l’a pas toujours été. Il a même connu l’extase une fois avec une charmante jeune fille rencontrée en marge d’une salle de Poker. Mais cet orgasme fut vite retombé après qu’il eut crié lors de ce magnifique moment « Truc de Grenouille » ! Il ne revit jamais la jeune fille, ni aucune autre. Aujourd’hui, il passe ses soirées à parcourir divers forums, à regarder la télévision en mangeant une madeleine. Il s’endort souvent devant « prélude irréel », émission sur farlen-TV où on y parle de tout, de rien, de l’épilation des testicules à l’analyse des films comico-érotiques de la fin des années 70.
Paul-Henri veut guérir. Il s’entraine à ne rien dire pendant plusieurs minutes chez lui ou sur l’échafaudage sur lequel il exerce son métier chaque jour. Il tente de chantonner sans se tromper son couplet favori de Corneille
Dis-leur que le ciel les entend
Dis-leur que la chance les attend
Pour qu'ils rêvent encore
Et il espère vraiment qu’un jour prochain, il pourra retrouver une vie normale. Une vie sans Trucs de Grenouille.
Toute ressemblance avec des personnages ou des faits existants est…