Hold’em ou Fold’em ?
issu de Live poker
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Etre un joueur gagnant sur la durée suppose de savoir face à la malchance et aux bad beat. L’une des meilleures façons d’y arriver, c’est encore de savoir jeter sa main même avec un jeu fort. Explications.
Par Raquel Azran
« Si vous ne pouvez pas jeter la meilleure main, alors vous ne pouvez pas jouer au poker », dixit Amarillo Slim. Après plus de 60 années de carrière et 4 bracelets WSOP – dont celui du Main 1972 –, le Texan sait de quoi il parle !
Or, aujourd’hui, l’art subtil et férocement difficile du laydown se perd. Tout d’abord, parce que le « nouveau » joueur, né à l’ère des caméras et du poker spectacle, a grandi dans la glorification des calls héroïques, bercé de moves et de bluffs de position dont le challenge ultime est de les démasquer. Si le poker c’est aussi et bien sûr cela, il ne peut y être réduit. Les grands champions se reconnaissent à leur aptitude à coucher de gros jeux quand ils pensent être battus. Et par gros jeu, il faut comprendre top pair/top kicker, une overpair, une petite couleur… Car les jetons que l’on ne perd pas sont au moins aussi importants que ceux que l’on gagne. Et c’est d’autant plus vrai que les temps sont à un poker de plus en plus loose, tout particulièrement en cash game. Inspirés par des joueurs fantasques tels que Sam Farha, Gus Hansen ou Antonio Esfandiari, nos jeunes aspirants pros se plaisent à payer des relances avec des mains intermédiaires et même souvent marginales, dans l’espoir de « toucher » ou, le cas échéant, tenter de faire passer son adversaire par un move sophistiqué au flop ou au turn (les Anglo-Saxons appellent ça « outplay the opponent »). Mais tous n’ont pas la qualité de jeu post-flop ni les capacités de lecture des champions qu’ils veulent imiter !
Ensuite, si les joueurs ont de moins en moins tendance à folder des jeux moyens à bons, c’est aussi à cause de l’Internet et de la rapidité du jeu online. Il est tellement facile de payer une relance quand tout ce que cela demande est de clicker sur une souris, notamment quand, porté par l’élan d’un rush, d’un coup (ou de plusieurs car la plupart des joueurs online pratiquent le multitabling), on oublie de prendre le temps de la réflexion, de reconstituer le déroulement du coup et imaginer comment et par quoi on peut être battu.
Le feeling, un vrai indicateur
Or, il faut bien garder en tête que pour être un joueur gagnant sur le long terme et non l’espace de quelques sessions un peu chanceuses, il ne faut pas gaspiller de jetons. Ne pas gaspiller de jetons, cela signifie apprendre à dompter sa curiosité et son penchant naturel à suivre pour « vérifier », à ne pas payer perdant. Bref, apprendre à jeter ses cartes quand on pense avoir perdu, même la mort dans l’âme, et même si on a déjà investi pas mal d’argent dans le coup. Car, 9 fois sur 10, quand vous suivrez en sentant que vous êtes battu, pas de surprise, vous le serez effectivement.
Mais comment savoir quand laisser passer vos deux paires ou votre brelan ? Quels sont les signaux qui vous avertissent que la force de votre main n’est pas suffisante ?
Tout joueur de poker connaît cette sensation : on sent les choses, le coup, les cartes de son adversaire… Le sentiment est confus, instinctif, et pourtant bien présent. On arrive quelquefois à sentir un pur bluff et on fait un call magnifique avec la troisième paire du board. Ou, à l’inverse, on sent bien que nos deux paires n’ont plus cours et que notre adversaire a slowplayé son petit brelan… D’où vient ce feeling ? L’expérience, sans doute, dont votre inconscient alimente vos sensations et vos raisonnements. Quoi qu’il en soit, vous aurez le plus souvent raison d’écouter cette petite voix intérieure qui vous dit : « Il est plus fort que toi, jette ! »
L’une des différences entre un bon joueur de poker d’un excellent joueur de poker est de savoir conforter cet instinct par des éléments rationnels (schémas de mises, tells etc.) Des joueurs de cette qualité sont rares et s’appellent Phil Ivey, Phil Hellmuth ou Doyle Brunson. Ceux-là sont capables d’étayer leur instinct par un raisonnement et une analyse dépourvus d’affect. Pour nous autres, simples mortels, il ne nous reste qu’à être attentifs à certains indicateurs qui trompent rarement.
Attention, danger !
Certains moves, assez classiques, crient pratiquement au monstre : le mini-raise et le check raise font évidemment partie de ceux-là. Ou du moins sont-ils le signe que votre adversaire est sur un très gros tirage, comme une quinte bilatérale et une couleur. Face à ce genre de situation, il vous faut impérativement repenser au déroulement du coup. Si votre adversaire a callé sec la blinde et qu’il relance sur un flop intermédiaire, il est possible qu’il ait trouvé deux paires ou même amélioré sa petite pocket en brelan.
C’est à cela que servent les mises : vous posez des questions (« bas-tu top/pair, es-tu sur un tirage »,etc.) et on vous donne une réponse… dans les mêmes termes. Si un adversaire solide call un overbet sur le flop, il est peu probable qu’il soit sur un tirage : il ne peut avoir qu’un jeu très fort, au minimum une overpair si ce n’est un brelan.
De même, une mise musclée à la river – ou pire, une relance – indique très souvent que votre adversaire détient le nuts ou presque.
Finalement, les meilleures décisions se prennent le plus souvent avant le flop. Si vous relancez avec une paire intermédiaire ou deux grosses cartes et que vous êtes sur-relancé, réfléchissez bien avant de suivre : analysez les positions, remémorez-vous ce que vous savez du relanceur, pensez à l’image que vous-même projetez à la table… La tentation est grande de suivre pour voir le flop. Mais imaginez que celui-ci n’affiche que deux petites cartes, vous risquez fort d’y laisser beaucoup de jetons avec votre paire de Valets, alors que votre adversaire n’a rien d’autre qu’une paire de Rois ! En effet, tout le monde ne s’appelle pas Doyle Brunson pour savoir passer une overpair sur un flop insignifiant… (voir encadré)
Ceci est particulièrement vrai pour les mains à potentiel du type moyens ou gros connecteurs assortis (10-V ou RD par exemple). Il suffit que vous trouviez un quelconque tirage ou, pire, la top pair pour vous laisser emporter par l’action, tout spécialement si votre adversaire, un peu malin, a camouflé sa paire d’As en checkant en position pour vous faire croire que la top pair était un jeu suffisant…
Analyse de l’action pré-flop et au flop, du joueur adverse (expérimenté ou débutant, tight ou loose) et bien sûr calcul de vos outs et de vos cotes… Voilà de quoi étayer votre instinct, faire les bons choix et les bons laydowns. Car surtout n’oubliez pas qu’un jeton économisé vaut autant qu’un jeton gagné !
Exergue : « Les meilleures décisions se prennent le plus souvent avant le flop »
Encadré 1/2:
Brunson/Reese, le choc des Titans
Sans doute l’un des plus beaux laydowns de l’histoire du poker, il ne peut opposer que deux de ses légendes, Doyle Brunson et Chip Reese, qui se connaissent et se respectent depuis plus de trente ans. La tension est palpable autour de cette table finale du HORSE 2006, où siègent 9 professionnels qui cumulent à eux seuls 37 bracelets. Parmi eux, Phil Ivey, Patrick Antonius, T.J Cloutier, Dewey Tomko, Andy Bloch… Quand cette main se présente, Doyle est second en chips et Reese, assis à sa gauche, chipleader. Brunson découvre une paire de Dames et relance, Reese paye sec avec… une paire de Rois, et Singer, au bouton, suit également avec une paire de Six. Le flop : 2t3c7p. Sur ce flop parfaitement anodin, Doyle imagine que sa main est la meilleur et mise à hauteur du pot. Mais Reese fait un mini-raise du double… Singer jette rapidement, et Brunson ne réfléchit pas bien longtemps avant d’abandonner lui aussi sa paire, alors qu’il a investi près d’un tiers de son stack sur ce coup ! En jetant ses cartes, la Dc se retourne, et Reese demande à son ami s’il a jeté la paire de Dames. Doyle acquiesce, mais Bloch refuse d’y croire, arguant qu’il était impossible de jeter cette main sur ce flop, et que Brunson n’avait probablement que AD. Quelques minutes plus tard, Reese confiera à son acolyte que c’était un excellent fold car il avait les Rois. A la fin du tournoi, Brunson expliquera à un journaliste qu’il s’agissait en fait d’un laydown facile : il était impossible qu’il s’agisse d’un move de la part de Reese, car il ne pouvait pas prendre ce risque en début de finale et avec une telle profondeur de tapis. Bien vu, mais chapeau, cow boy !
Encadré 2/2 :
« I can dodge bullets, baby ! »
1er jour du Main Event des WSOP 2005. En position avancée, Phil Hellmuth découvre AtRp. Sur des blindes à 75/150, il relance à 500. Le joueur suivant passe, et un autre découvre…AcAk ! L’amateur relance Phil à 3000. Il jette un petit coup d’œil à son adversaire, et décide de suivre, checkant d’avance le flop. Un flop sur mesure pour les deux joueurs : Ap4t4c ! L’adversaire de Phil vient de flopper un full aux As et, feignant la faiblesse, checke aussi. Turn : Dp. Hellmuth checke encore, et son adversaire envoie 10.000 dans un pot qui dépasse à peine les 6000. Petit temps de pause chez le champion du monde qui, comme à son habitude, ne tarde pas à cuisiner son adversaire : « Pourquoi autant ? Tu as trouvé full aux Dames ou quoi ? » Réponse de l’intéressé : « Tu sais, j’ai appris de toi ! » Rire d’aise d’Hellmuth, qui adore les flatteries… Après une très courte réflexion, celui-ci lance à son adversaire : « Tu sais quel est mon nom, quand même ? Est-ce que je ne serais pas Phil Hellmuth ? Et ça, ce ne serait pas AR ? » Tout en disant cela, il retourne ses cartes, signifiant ainsi qu’il passe… Médusé par cet extraordinaire laydown, son adversaire lui montre son full aux As ! C’est alors que le Poker Brat interpelle son épouse installée dans les gradins : « Chérie, j’aurais dû tout perdre sur ce coup, mais ils ont oublié que je suis Phil Hellmuth ! », concluant sa tirade par le désormais culte : « I can dodge bullets, baby ! » C’est vrai qu’il sait éviter les balles, le génial géant du poker…
Hold'em ou Fold'em?
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Hold'em ou Fold'em?
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